Mardi 10 juin

Jour 86 : San Giminiano- Abbadia Isola. 28,4 kms. 40 692 pas. 7h 01 de marche.

Acqua.

Soudain je comprends ce mot.

Acqua.

La femme est sortie du champ, rouge, un peu hagarde. Elle me parle et j’essaie de saisir en quelle langue. Ce qu’elle dit me semble confus et dans des langues mélangées. Et puis il y a ce mot. Acqua. Give me acqua.

Une seconde j’hésite. C’est comme ça. L’eau de ma gourde est précieuse. Je l’économise alors que je rêve de grandes goulées fraîches. Je regarde le chemin et je me dis, tu boiras là-bas, au bosquet d’arbres. Give me acqua.

Mais cette femme semble au bord du malaise.

Elle a senti mon hésitation Elle ajoute, un poco.

Okay.

Je sors ma gourde à demi-pleine, elle sort la sienne qui ne fait que 33 ou peut-être 50 centilitres. Comment peut-on partir marcher avec une gourde aussi petite par une chaleur aussi intense? J’y verse la moitié de mon eau. Elle la boit aussitôt, comme quelqu’un qui n’a pas bu depuis des kilomètres. Aaaah, grazzie.

Ça va? Ça va aller? Elle me fait signe que oui.

Je repars. Pas trop sereine à vrai dire.

Et puis à cent mètres une fontaine.

En Italie on trouve régulièrement sur le chemin des fontaines d’eau potable. A chaque fois c’est la fête ! On boit. On remplit la gourde avec soulagement. On passe ses mains sous l’eau. Et puis les bras. On se rafraîchit le visage, le cou, le décolleté. On mouille derrière les oreilles, un peu les cheveux. On est dégoulinant, ça dure une minute ou deux, et ça fait un bien fou.

Puis, après avoir passé sa casquette sous le jet d’eau, on la remet sur sa tête et on repart, l’esprit au frais.

Acqua.